Dessin, post-porn, les représentations des corps dissidents dans le champ artistique

Cette rencontre est l’occasion de mettre en regard deux champs de la création artistique pour interroger leurs implications politiques, leurs relations au genre comme construction et au queer comme mouvement militant. 

D’un côté le dessin d’après-modèle vivant, exercice d’apprentissage anatomique autour du corps nu consacré par l’académie des Beaux-Arts, et de l’autre, la pornographie mainstream comme fabriquante d’images de pratiques sexuelles stéréotypées.

Nous prenons ici le parti de ne pas reproduire de hiérarchie entre ces pratiques artistiques, mais plutôt de les réfléchir comme un ensemble de production d’images et de représentations. 

Car, tous deux sont le produit d’un système et d’un ensemble d’acteurs mus par un certain nombre de croyances, de représentations et d’habitudes reproduites mais non-questionnées. 

Tous deux, que ce soit le dessin académique ou la pornographie mainstream, sont au sein de leur milieu respectif des productions légitimées par le système hétéronormatif. 

Tous deux sont dépolitisés et les questionnements relatifs aux mécanismes de domination qu’ils reproduisent sont de totales impensées.

Dans ce contexte, les ateliers de Modèle vivant.e tout comme le post porn peuvent être vu comme participant d’un même mouvement transfuge : celui de l’émancipation par la réappropriation de pratiques qui ont de manière systémique contribué à l’invisibilisation de corps et d’identités jugées dissidentes. 

Ils revendiquent tous deux une production culturelle comme une forme d’engagement qui ne peut se faire « hors-sol », hors contexte. 

Avec pour enjeu la connexion entre esthétique et politique, il s’agit de réfléchir aujourd’hui collectivement aux dynamiques d’exploration, d’expérimentation, et de visibilisation du corps nu dans des productions artistiques comme contre-pouvoir critique des représentations hégémoniques.

Pour en parler avec nous :

Isabelle Alfonsi, créatrice avec Cécilia Becanovic en 2009 de la galerie d’art contemporain Marcelle Alix. Tu élabore depuis 2014 des conférences sur les lignées d’un art queer contemporain, dont certaines ont été performées en drag. En en 2019 publie Pour une esthétique de l’émancipation préfacé par Geneviève Fraisse.

Rachele Borghi, géographe féministe, maître de conférences en géographie à Sorbonne, pornactiviste académicienne. Tu as travaillé sur les transgressions performatives dans l'espace public comme réaction aux normes imposées et sur le corps comme lieu, laboratoire et outil de résistance. Tes recherches se concentrent aujourd'hui sur la visibilisation des normes dans les espaces publics et les espaces institutionnels (notamment l'université), sur les pratiques pour les briser et sur les espaces de contamination entre milieux académiques et militants, à partir d'une perspective décoloniale. Les contacts avec des groupes et collectifs queer ont questionné de près ta pratique de terrain, et ton positionnement. A partir de cela tu as créé le collectif Zarra Bonheur et Brigade Scrum. Tu publieras en janvier 2021 Décolonialité et privilèges.

No Anger, chercheuse et performeuse, elle participe aux luttes antivalidistes. Elle souhaite exprimer la puissance de son corps, loin des assignations validistes qu’elle subit au quotidien. Elle s’est créé une nouvelle peau, par la danse et par l’écriture. Ton travail suit donc ces deux axes qui se mêlent parfois dans ses performances : elle écrit des textes qui accompagnent sa danse, la complètent. Elle croit beaucoup en la possibilité de réinventer artistiquement son corps et sa sexualité. 

Hélène Fromen, artiste chercheuse et co-organisatrice des ateliers Modèle Vivant.e. Tes recherches portent sur ce qui se joue du genre dans les ateliers de dessin d’après modèle et visent à contribuer à la déconstruction du schéma normatif binaire masculin/féminin.

Linda DeMorrir, brésilienne, artiste multidisciplinaire et réfugiée politique en France. Tu poses comme modèle depuis 2015 et organise depuis deux ans des séances autonomes de dessin de modèle nue à Paris, d’où est né Modèle Vivant.e. Tes travaux utilisent l’autonomie comme stratégie de survie dans le système cis-hétéro-capitaliste et la création d’espaces de possibilités dissidentes. D’ailleurs tu as réalisé avec Lucie une sélection de films post porn que vous pouvez retrouver au 1er étage de l’exposition. 

Lucie Camous, je suis actuellement curator et ai dirigé le 59 Rivoli de 2017 à 2020.  Je m’attache essentiellement au champ de la performance comme espace d’expérimentations capables de soulever ce qui est sédimenté et va de soi et ai été invité par Hélène pour programmer ensemble ces événements dont cette rencontre ce soir. 

Le son intégral de la rencontre est dispo ici.

La retranscription (PDF) peut être lue ou téléchargée là.

Vos retours, commentaires ou propositions pour donner suite à cet événement sont les bienvenus - d'autres sont en préparation : n'hésitez vraiment pas à entrer en contact <3

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